19 décembre 2024

Partir avec des copain.e.s en vacances

Analyse des dynamiques collectives

Cela fait 4 été qu’on part en vacances en groupe d’une dizaine de personnes. L’été dernier on a croisé des cyclistes qui avaient fait la même chose et puisqu’on est un peu rodé sur l’organisation, ma première question a été « comment vous vous organisez ». Ils répondent quelque chose comme « ben normal, y’en a qui font les courses et tout ». Et puis quand on discute, on s’apperçoit qu’il y a toujours un pétage de plomb, du genre, le vélo dans le fossé, qui se raconte. Et ça fait plusieurs fois que cette discussion revient. Comme dans notre groupe, certe les gens sont patients et hypers gentils, mais y’a aussi des gens qui ont besoin de manger à l’heure, besoin que le groupe avance, qu’on se lève tôt, etc. 

L’idée c’est de refaire le chemin des moments de blocage qui nous ont donné envie de nous organiser plus formellement, avec des rôles et des tâches attitrées. Notemment à travers la gestion du GPS. 

Notre groupe a commencé avec une organisation minimale : on était 4 copines à choisir le tracé et à réserver les campings puis on s’auto-organisait sur le moment. L’année d’après, on a décidé d’agrandir le cercle en ouvrant à d’autres potes. 

Au début, on faisait le tracé de l’ensemble du séjour avec une copine, mais on ne faisait pas le découpage à la journée. Du coup, assez souvent, il était difficile de permettre à d’autres personnes de prendre le relais. Ceux qui utilisaient Google Maps mettaient la destination et on se retrouvait à faire des tours et détours pour éviter les grosses routes, ou à douter lorsqu’on en prenait une. Il y a aussi beaucoup de problèmes de batteries, de personnes qui n’ont pas de porte GPS.

Du coup, les prises de relais avaient tendances à se faire sur un mode intempestif ; les personnes voulaient aider et en même temps, prendre en charge le tracé, c’est une pression, les gens sont un peu nerveux. Cette tension a rendu plus difficile la gestion des remarques et des demandes et les copines avaient moins de place pour faire le GPS, car il faut ARRIVER. Et puis s’occuper du tracé, c’est aussi s’occuper de savoir où on s’arrête manger, trouver un supermarché et des tables de pique-nique à côté. Tout ça, c’est beaucoup de responsabilités, de charge mentale, beaucoup d’échange avec les gens, s’assurer que tout le monde a eu l’info, y compris celle qui est arrivée après les autres à la pause. Même si on avait prévu des binômes tournant pour faire les courses chaque midi, il fallait toujours prendre un moment pour savoir où avaient lieu les courses et où auraient lieu le pique-nique.

L’été de la canicule 2022 a précipité les difficultés en terme de tracé. À partir de Soulac-Sur-Mer et jusqu’à Bordeaux, les pistes cyclables sont interdites parce que les forêts ont brulé. 

Donc, on doit étudier les nouvelles chaque jour pour savoir quelles pistes sont praticables, qu’elles vont être les températures ou encore comment organiser les pauses, parce que la chaleur est insoutenable.

Ces réunions du matin ont tous changé à l’organisation. Elles duraient entre 1h et 1h30, en même temps que le petit déjeuné. On regardait les cartes, échangeait autour des logiciels et des applis. Mais aussi, on commençait à prendre des rôles tournants, à faire un tour de parole pour prendre les décisions. Mais quand quelque chose était fait et n’allait pas (choix de restau qui ne plaît pas, pause trop longue alors qu’il fait chaud…) les gens ont pris sur eux avec beaucoup de patience. Il y avait un fort degré d’interaction entre les gens qui faisait qu’on a tenté de prendre en compte les besoins de chacun.

Au fur et à mesure du séjour, spontanément, des personnes ont pris des rôles comme celui de limiter les pauses, proposer la deuxième partie de soirée, vérifier que personne n’oublie rien après que le groupe se soit arrêté. Les rôles facilitent la place des individus dans le groupe, mais ils permettent aussi de pouvoir charrier gentiment la personne. Dans des relations aussi denses, c’est important de pouvoir se jouer des personnalités fortes, ça fait baisser les tensions et ça peut aussi parfois permettre de dire des choses. 

Chaque soir, à l’apéro, avait lieu « la météo » du soir. On faisait le tour de ce qu’on avait aimé ou non. Chaque soir, on discutait de l’heure à laquelle on devait se lever le lendemain. C’était parfois très répétitif… 

L’organisation collective, c’est aussi la gestion des leaderships. Il y en a toujours qui prennent leur place parce qu’ils revendiquent des qualités spécifiques. Le problème, c’est quand ces leaderships sont trop fort, ils donnent lieu à des pratiques ou des habitudes qui ne permettent plus d’écouter ce que voudraient ce qui parlent moins fort. Le leadership renforce la recherche d’efficacité qui elle-même renforce le leadership. On tourne vite en rond. Par exemple, dans le leadership de la teuf, il faut des bouts en train, des gens qui cherchent la teuf et qui proposent des choses. La question, c’est que d’autres soirées puissent avoir lieu. Je pense qu’il y a ce type de tension dans la notion des leaderships. Or trouver un équilibre dans les rythmes, les activités, ça signifie parfois trouver des temps de latences dans lesquels les personnes plus effacées trouvent une place dans la prise de décision y compris si celle-ci se fait dans l’urgence. 

En tout cas, on essait d’éviter que certains mécanismes de groupe se mettent en place qui cassent les équilibres. De fait, pour qu’un voyage se passe bien, il faut éviter les remarques désagréables. Quand on fait en sorte de pouvoir influencer les modalités d’organisation, on comprend mieux ce qui pose problème aux autres et on se décentre un peu de soi-même. 

Au plaisir de connaître d’autres modes de fonctionnement.